Accompagner un enfant avec une maladie rare dégénérative

Texte original publié par le Centre universitaire de santé McGill.

 

« Avant de donner naissance à mon fils, je n’étais pas consciente de ce que cela signifiait de vivre avec un enfant gravement malade. En tant que parent, il est parfois difficile d’exprimer les sentiments de solitude et d’isolement qui entrent dans votre vie lorsque votre enfant est atteint d’une maladie rare dont la plupart des gens n’ont jamais entendu parler.» ─ Marie-Michèle Arpin

Marie-Michèle Arpin est la mère de Thomas, un garçon de 5 ans atteint d’une maladie génétique rare appelée PBD-ZSD. Thomas est suivi à l’Hôpital de Montréal pour enfants par la Dre Nancy Braverman, spécialiste des maladies peroxysomales de renommée internationale. Pour sensibiliser le public, Mme Arpin a voulu partager son histoire.

Quelle est cette maladie dont est atteint Thomas?

Le PBD-ZSD (Trouble de la Biogenèse des Peroxysomes sous le spectre du syndrome de Zellweger) est une maladie génétique extrêmement rare qui affecte de nombreux organes dans le corps. Les peroxysomes sont des composants cellulaires qui contiennent des enzymes impliquées dans diverses réactions métaboliques. Il n’y a pas de traitement, mais grâce à la recherche et à l’équipe qui suit Thomas au Children’s, nous avons de l’espoir.

Quels sont ses symptômes?

En ce moment, notre fils Thomas vit avec une perte auditive neurosensorielle modérément sévère, une rétinite pigmentaire, des difficultés de motricité fine et globale, des troubles de l’équilibre, un retard de croissance, une malabsorption des vitamines liposolubles, une hépatomégalie et des glandes surrénales dysfonctionnelles. Il a un tube de gavage pour l’aider à se nourrir convenablement. Lors de sa dernière IRM, il y avait des signes de polymicrogyries, ce qui signifie qu’à tout moment, Thomas pourrait commencer à faire des crises d’épilepsie. Thomas doit prendre plusieurs vitamines et médicaments chaque jour. Il réussit maintenant à marcher avec sa marchette adaptée et peut dire quelques mots.

Avez-vous connu son diagnostic dès sa naissance?

Non, malheureusement. Thomas est né en novembre 2015 d’une grossesse sans histoire et de parents en parfaite santé. Un accouchement sans complication, des signes vitaux normaux ainsi qu’un dépistage néonatal sans affolement. Rien n’indiquait qu’il était malade.

Il existe toutefois un test de dépistage qui aurait permis de poser un diagnostic à la naissance, le test de l'adrénoleucodystrophie liée à l'X (X-ALD), mais il ne fait actuellement pas partie des tests de dépistage des nouveau-nés au Canada.

Comment vous êtes-vous aperçue que quelque chose n’allait pas?

Lorsque Thomas avait deux mois, je me suis réellement mise à me questionner. Thomas était un bébé qui ne dormait presque jamais et qui pleurait énormément. Il semblait toujours souffrir. C’est à ce moment-là que nous avons commencé à consulter les médecins.

Après plusieurs visites aux urgences, Thomas a été référé à un pédiatre, qui s’est immédiatement aperçu que quelque chose n’allait pas. Ses enzymes hépatiques étaient 10 fois supérieures à la normale, son foie était hypertrophié et il ne grandissait pas bien en taille et en poids. « Je vais devoir le transférer dans un autre hôpital afin de faire des examens plus approfondis, parce que cela est maintenant hors de mon expertise. » nous a-t-il dit.

Il s’en est suivi une hospitalisation d’un mois avec des journées d’examens stressantes et éprouvantes. Échographie, radiographie, gastroscopie, biopsie, test à la sueur, prélèvements sanguins, IRM, examens des muscles et des nerfs, EEG, potentiel visuel évoqué, et plus encore. Les spécialistes nous disaient que Thomas était un mystère pour eux, car la plupart des résultats tombaient dans des zones grises. Ce fut, de loin, la pire expérience de toute notre vie.

Comment avez-vous appris son diagnostic?

Les recherches se sont poursuivies et le verdict est finalement tombé, le 16 juin 2016 : Thomas était atteint d’un trouble rare nommé PBD-ZSD.

« Votre fils est atteint d’une maladie génétique rare. Tous les organes de son corps lâcheront, l’un après l’autre, jusqu’à ce qu’il meure. Il ne se rendra probablement pas à son premier anniversaire, profitez du temps qu’il vous reste avec lui. »

Ces paroles résonnent encore à mes oreilles aujourd’hui. Aucun mot ne peut décrire ce sentiment atroce d’apprendre que votre enfant est atteint d’une maladie génétique rare dégénérative et qu’il n’existe aucun traitement pour le sauver.

Que s’est-il passé ensuite?

À la suite de cette annonce, nous avons été mis en contact avec une généticienne fantastique se spécialisant dans les maladies peroxysomales et travaillant au Centre universitaire de santé McGill : la Dre Nancy Braverman. Elle et son équipe nous aident énormément avec tous les problèmes auxquels Thomas est confronté. À chacune de nos visites au Children’s, nous rencontrons plusieurs spécialistes qui essaient d’apaiser les problèmes de Thomas.

De plus, son équipe conduit des projets de recherche dans le but de mieux comprendre la maladie et de développer des thérapies. Tous ces projets requièrent la précieuse collaboration de leurs partenaires académiques, industriels, des fondations et des regroupements de familles. Ensemble, nous sommes plus forts!

De mon côté, j’ai tenté de transformer notre situation difficile en expérience un peu plus positive. Avec l’aide de deux autres mères canadiennes ayant fait face au PBD-ZSD, nous avons créé la première communauté de soutien et de sensibilisation au Canada, PBD Canada.

Pourquoi avez-vous voulu raconter votre histoire?

Sensibiliser le public fait vraiment une différence. Cela donne aux familles comme la nôtre de l’espoir et cela peut conduire à de nouveaux traitements qui pourraient sauver des vies. Les personnes atteintes d’une maladie rare méritent qu’on s’intéresse à elles et qu’on fasse bouger les choses!

À propos des travaux de la Dre Braverman

Dr. Nancy BravemanLes travaux de recherche de la Dre Nancy Braveman, Scientifique senior au Programme en santé de l'enfant et en développement humain de l’Institut de recherche du CUSM, sont centrés sur un groupe de troubles héréditaires causés par des déficiences dans les gènes responsables du bon fonctionnement des peroxysomes; éléments importants des cellules qui interviennent dans le métabolisme des lipides ou la dégradation des acides gras.

Les troubles peroxysomaux peuvent affecter soit l’assemblage même des peroxysomes (tel dans le cadre des troubles de biogenèse du peroxysome (PBD)), soit des enzymes spécifiques situées dans le peroxysome. Tous ces états pathologiques comportent une perte d’enzymes, requises par l’organisme pour métaboliser d’importants lipides. Les conséquences qui en résultent sont une affection évolutive du système nerveux, des yeux, des os, des reins, des glandes surrénales, du foie et de l’audition.

L’équipe de laboratoire de la Dre Braverman conçoit des modèles murins présentant ces troubles afin d’étudier comment les défaillances enzymatiques entraînent des affections. Afin de donner au patient et à sa famille de meilleurs soins et de leur fournir de meilleures données pronostiques, l’équipe de laboratoire a établi un registre de patients visant à documenter les variations dans l’évolution de l’affection et à identifier les médicaments et les thérapies ayant le potentiel d’en améliorer l’issue. Un essai préclinique portant sur un médicament et une thérapie génique est en cours.