La vie au temps de la COVID-19: Conversation avec la Dre Bernard

La Dre Geneviève Bernard est une experte de renommée internationale dans le domaine des leucodystrophies, un groupe de maladies neurodégénératives d’origine génétique, qui s’attaquent à la substance blanche du cerveau. 

Des patients du monde entier sont aiguillés vers sa clinique. Elle apporte beaucoup de réconfort aux familles qui, partout dans le monde, souffrent de ces maladies pour lesquelles il n’existe actuellement, pour la plupart, aucun remède connu.

La Dre Bernard a débuté sa carrière de chercheuse indépendante et neurologue pédiatrique en 2011, à l’Hôpital de Montréal pour enfants du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et à l’Institut de recherche du CUSM. Elle est actuellement professeure agrégée aux départements de pédiatrie et de neurologie et neurochirurgie de l’Université McGill, et membre associée du département de génétique humaine. 

La Dre Bernard est également lauréate du Prix d’excellence – Spécialiste de l’année de 2019 pour la région 4 décerné par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.

Au début du mois d’avril, nous nous sommes entretenus avec la Dre Bernard pour avoir un aperçu du déroulement de ses activités dans cette nouvelle réalité.

Comment votre famille et vous vivez-vous la situation ?

GB : Je vais bien. Mon mari et moi, nous nous sommes rapidement organisés pour travailler à la maison, ce qui a été rassurant pour tout le monde. Mes trois enfants sentent que la situation est particulière et ils s’entendent assez bien en fait!

La Dre Bernard suit plus de 100 patients par an, et comme ils nécessitent tous des soins complexes et sont vulnérables, elle a dû s’adapter rapidement aux nouvelles directives pour être en mesure de les soigner.

Que se passe-t-il avec votre pratique clinique et vos patients?                                                 

GB : Je maintiens le rythme régulier de ma pratique clinique, mais principalement par des appels téléphoniques. Je ne vois les patients en personne que s’il s’agit d’une urgence qui nécessite un examen physique.

En tant que médecin, vous devez peser le pour et le contre de l’envoi des patients à l’urgence. Si les risques qu'ils tombent malades ou qu’ils développent des complications, incluant le décès, à cause de la COVID-19 sont trop élevés, vous faites tout ce que vous pouvez pour les garder à la maison. Comme mes patients sont très vulnérables, nous ne savons pas quand nous pourrons les ramener à la clinique, ce qui est une source d’anxiété additionnelle pour tout le monde. Idéalement, je ne ferai venir personne au Children tant et aussi longtemps que les autorités ne donnent le feu vert et que c’est sécuritaire de le faire.

Quel est l’impact de la crise sur les familles ?

GB : Tout le monde est évidemment très préoccupé. Heureusement, les familles suivent toutes les recommandations du gouvernement et restent chez elles pour éviter les risques. En tant que mère d’un enfant qui est également vulnérable, j’ai une bonne idée de ce que c’est et j’ai beaucoup de compassion pour les familles.

Avez-vous des recommandations ou des outils pour les familles ?

GB : Veuillez suivre à la lettre les directives de la Santé publique et appelez une ligne d’aide si vous êtes en détresse. Sachez également que les équipes du Children se réunissent régulièrement pour harmoniser les priorités et les mesures de préparation afin de rester mobiles et souples face aux besoins en cours. 

Nous sommes sur le coup!

La Dre Bernard consacre la majeure partie de son temps (75 %) à la recherche sur les leucodystrophies dans son laboratoire. Elle dirige une équipe de dix personnes, composée d’assistants de laboratoire, d’associés de recherche et d’étudiants. C’est une période difficile pour tous, car la plupart des travaux de l’Institut de recherche du CUSM ont été considérablement réduits, afin de concentrer les efforts sur la crise. 

GB : Nous avons de la chance parce que plusieurs projets étaient en voie de se terminer ou d’être mis en veilleuse sans perte de données précieuses. Un projet — la découverte d’un nouveau gène — a été achevé et nous pouvons maintenant rédiger un article. Trois projets en cours faisant appel aux cellules souches pluripotentes induites (CSPi) — utilisées pour fabriquer des cellules du cerveau — sont sur la glace pour le moment, mais nous pourrons relancer les travaux dès que la crise sera terminée. Notre projet sur le phénotype de la souris ont ralenti énormément suite aux directives de l’IR-CUSM et de l’Université McGill, mais nous sommes confiants que rien ne sera perdu pendant cette période et que nous pourrons reprendre le travail rapidement après la pandémie.

Quel est l’impact de cet arrêt du point de vue de la productivité ?

GB : Je pense que cela va nous ralentir, mais c’est la réalité de vivre une pandémie mondiale. Il faut mettre les choses en perspective. La priorité en ce moment est de sauver des vies. Alors oui, je m’inquiète pour la productivité du laboratoire, mais au bout du compte, je pense que les organismes subventionnaires vont ajuster leur façon d’évaluer et de financer les projets. Comme je suis une chercheuse de carrière depuis près de 10 ans, je suis suffisamment bien établie et expérimentée pour être en mesure de faire la part des choses.

Les membres de mon équipe, qui travaillent tous à domicile peuvent continuer à recruter des patients et leur faire passer des questionnaires pour recueillir des données auprès de ceux-ci. Nous travaillons également sur la rédaction des articles et sur des demandes de subventions, ce qui nous permet de rester le plus productif possible. J’ai une équipe de superstars qui s’entraident et tirent le meilleur parti de la situation. Je ne pourrais pas demander mieux !

Quels seront vos plus grands défis à relever lorsque cette crise sera terminée et que vous pourrez re-démarrer vos programmes de recherche ?

GB : Le plus grand défi sera de se remettre en piste le plus rapidement possible. Cependant, grâce aux membres de mon équipe, qui se soutiennent tous si harmonieusement, nous réussirons !

Comment les donateurs peuvent-ils aider ?

GB : Des fonds supplémentaires permettront d’accélérer les choses et d’obtenir des résultats, que nous pourrons ensuite utiliser comme levier pour collecter des données en vue de l’octroi de nouvelles subventions. Dans le domaine de la recherche, il faut travailler dur pour obtenir des données préliminaires, ce qui est souvent financé par les donateurs. Plus un projet est risqué, plus cela est vrai. Le financement par les donateurs est vraiment ce qui nous permet de continuer.

Quel message souhaitez-vous envoyer aux donateurs ?

GB : Restez en sécurité et en santé, et demeurez positif ! Et surtout, un grand merci de nous aider à améliorer la vie de nos patients. Merci du fond du cœur pour vos mots d’encouragement et de gratitude, cela nous touche beaucoup et nous aide à poursuivre notre travail. 

Merci à tous !