Le Children durant la pandémie

 

Entrevue avec Frédéric De Civita, directeur adjoint aux services multidisciplinaires et programmes de soutien, Hôpital de Montréal pour enfants

Face aux défis de la COVID-19, comment le Children s'est-il préparé pour maintenir les services aux enfants et leur famille ? À quel moment avez-vous commencé la planification ?

En février, avant que la province soit affectée par la pandémie, nos équipes étaient en constante communication avec la haute direction du Children, avec nos homologues du côté adulte au sein du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et avec le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

Cette communication et ce partage d’informations en continu nous ont permis d’adopter des mesures immédiates pour assurer la sécurité de nos patients, familles et membres du personnel. Nous avons annulé toutes les visites de bénévoles et limité les visiteurs à un ou deux parents ou proches aidants par enfant. Nous avons également reporté toutes les chirurgies et visites cliniques non urgentes, et collaboré avec les équipes pour assurer que les soins urgents continuent d’être offerts efficacement et de façon sécuritaire. De plus, nous avons rapidement mis en place un service de vidéoconférence, pour offrir des suivis médicaux aux familles et réduire le plus possible leurs déplacements à l'hôpital lorsque possible. Nous avons renforcé la capacité de l'hôpital à répondre à la crise, tout en maintenant les services essentiels à nos patients.

Comment avez-vous dû vous ajuster? Quelles sont les principales stratégies pour continuer à traiter les patients?

Le processus s’est déroulé en deux étapes. Premièrement, nous avons mis en place une structure de coordination et de mécanismes et, deuxièmement, un groupe de travail pour aller de l'avant.

En collaboration avec le Centre de coordination des mesures d’urgence (CCMU) du CUSM, notre structure de commandement a assuré la fluidité par le biais de "caucus" quotidiens du Children avec les gestionnaires d’unité et la haute direction dans le but d’améliorer les communications avec nos équipes.

La deuxième étape a été la création d’un groupe de travail pour mettre en œuvre le Plan d’action pour pallier à l’afflux de patients et adapter les capacités hospitalières élaboré en réponse à la crise, notamment :

  • la reconfiguration de l’aménagement physique de l’hôpital pour inclure des zones chaudes et froides et pour répondre aux modifications apportées au guide du cheminement des patients;
  • la mise en place d’un système de triage aux entrées de l’hôpital et dans les cliniques pour identifier les patients symptomatiques et les membres de leur famille;
  • l’identification des rendez-vous en cliniques externes qui pouvaient être reportés à une date ultérieure en toute sécurité, et la mise en place d’un système de triage pour évaluer les références et identifier leur urgence;
  • le maintien du contact et des communications avec nos patients par la téléconsultation tout en assurant une communication claire avec le public, à l’interne et à l’externe, pour expliquer les annonces et les décisions importantes.

 

Comment l’hôpital assure-t-il la sécurité des jeunes patients et leur famille, ainsi que celle du personnel?

Le Plan d’action pour pallier à l’afflux de patients et adapter les capacités hospitalières a non seulement contribué à instaurer de nouvelles mesures pour garantir la sécurité de nos patients sur place, mais il nous a également permis d’identifier les patients que nous pouvions traiter virtuellement. Cela s’est traduit par des milliers de rendez-vous par vidéoconférence avec nos patients.

Pour protéger notre personnel, nous avons créé un processus de protection des équipements, afin de garantir les disponibilités nécessaires d’ÉPI et des plans d'urgence proactifs pour cela. L’éducation et la formation sur le processus à suivre pour enfiler et enlever un ÉPI étaient importantes. Nous nous sommes assuré que le message soit à jour et reflète l’évolution en temps réel, notamment en révisant les protocoles de sécurité.

Quel rôle la collaboration des équipes a-t-elle joué durant cette crise?

La collaboration fait déjà partie de l'ADN du Children. Et les besoins urgents quotidiens toujours changeants amenés par la pandémie n’ont fait que renforcer cette notion.

Les membres du personnel, qu'ils soient inhalothérapeutes, infirmières ou autres professionnels de la santé, ont répondu à l’appel et sont sortis de leur zone de confort pour faire face à la situation : en triant des personnes aux entrées de l'hôpital ou dans les unités de soins, en soignant des adultes transférés de l'Hôpital Royal Victoria, ou en se portant volontaire pour aller dans les CHSLDs de la communauté. Les nouvelles exigences de distanciation sociale et l'adaptation aux rendez-vous virtuels ont peut-être causé certaines inquiétudes initiales, mais ont donné lieu à une meilleure collaboration qui nous a unifiés davantage.

L'adaptation des capacités hospitalières nous a également permis de solidifier notre partenariat et notre amitié avec le Shriners, qui a rapidement accepté de nous aider avec les patients. Et notre équipe de communication a joué un rôle essentiel en relayant des messages importants à l’interne comme à l’externe, que ce soit avec l’utilisation de la plateforme Facebook en direct avec nos experts en maladies infectieuses répondant aux questions des parents et des patients, ou des apparitions dans les médias du Dr Martin Gignac, le chef de notre département de psychiatrie, sur les angoisses et le stress crées par la discussion de la rentrée scolaire. Le service des relations publiques et de la communication a veillé à ce que toutes les informations demeurent à jour et pertinentes, en fournissant des lignes directrices pour une situation en constante évolution.

Comment cette période d’incertitude a-t-elle affecté les membres du personnel du Children et comment ont-ils gardé le moral?

Il y avait certainement de l’anxiété et du stress, il était donc important de fournir des accès aux ressources pour que personne ne se sente oublié. Les services confidentiels du programme d’aide aux employés ont fourni des conseils, mais nous sommes aussi allés plus loin en créant une ligne de soutien psychosocial axée sur la situation actuelle et changeante. Nos "Schwartz Rounds" habituels – une discussion de groupe informelle qui permet au personnel de discuter ouvertement et confidentiellement des sentiments et des situations difficiles – ont été particulièrement importants pour susciter la compréhension et la camaraderie. L’équipe chargée de la Qualité de vie au travail a développé des initiatives positives et stimulantes pour le moral. Et le soutien incroyable de nos donateurs a été crucial, à travers des initiatives comme le Fonds d’urgence en santé mentale pédiatrique, fournissant de l’équipement nécessaire aux urgences et pour nos secteurs de santé mentale, et en fournissant des repas gratuits au personnel pour qu’ils soient bien nourris et en bonne santé.

Quelle est la prochaine étape pour l’hôpital?

Nous voulons continuer à offrir un environnement sécuritaire à nos patients tout en nous ajustant à la nouvelle réalité, car la COVID-19 aura très certainement une grande incidence sur l'avenir des soins de santé. Nous devons maintenant planifier l’accès continu aux soins, augmenter progressivement les activités de l’hôpital, et réévaluer nos besoins à mesure que nous allons de l’avant. Il faudra notamment aménager les espaces à l'intérieur de l'hôpital pour respecter la distanciation sociale, améliorer la coordination des soins et mettre l'accent sur les services de rendez-vous par vidéoconférence, si nécessaire. Nous devons augmenter la capacité de nos technologies pour traiter les patients à distance et gérer efficacement les listes d'attente, afin que nos enfants reçoivent les meilleurs soins aussi rapidement que possible.