176 transfusions plus tard - Le témoignage poignant d'un père
Gabriel Bellefleur, patient du Children, a reçu dernièrement sa 176e transfusion de sang; son père revient sur le parcours de sa famille au Children
C’était en novembre 2003… Ma femme Pascale avait été au lit pendant plusieurs semaines à la maison en raison de complications liées à la grossesse. Mais cette fois-ci, elle était hospitalisée, car la situation ne se présentait pas comme prévu. Ne t’en fais pas, que je lui dis… Quand nous serons à la maison, tout sera rétabli, et tout cela sera derrière nous…
Le soir de l’accouchement, je me dirige vers l’hôpital. « Bravo! Un beau petit gars en santé… » C’est ce que le médecin dit : EN SANTÉ! Tout va bien jusqu’à ce qu’on découvre qu’il ne respire pas par lui-même. Les poumons ne sont pas formés complètement. Une infirmière a dû le faire respirer avec un appareil pendant près de 2 heures afin de le maintenir en vie, le temps qu’une ambulance arrive de Montréal.On nous annonce qu’il ira à l’Hôpital de Montréal pour enfants. Ne t’en fais pas, que je lui dis… Quand nous serons à la maison, tout sera rétabli, et tout cela sera derrière nous…
En moins de 45 minutes, nous sommes arrivés. Rendu au 9e étage, aux soins intensifs, je ne sais pas encore qu’à ce moment notre vie vient de basculer à tout jamais à cause de la maladie. Gabriel y séjournera pendant un mois.
C’est durant le premier mois de vie de notre fils qu’on m’annonce qu’il doit recevoir non pas une, mais deux transfusions. C’est le choc! Je vois encore ce petit bébé, branché de partout, recevoir du sang par la tête. Je suis impuissant. Mais au téléphone, je parle à Pascale et je la rassure, car elle est inquiète. Je ne peux tout lui dire, de peur de l’inquiéter davantage. Ne t’en fais pas, que je lui dis… Quand nous serons à la maison, tout sera rétabli, et tout cela sera derrière nous…
Pour ma part, pendant les premières journées, les services sociaux de l’hôpital m’ont beaucoup aidé. Ils m’ont trouvé une petite chambre en face de l’hôpital, où j’allais pouvoir dormir.
Puis, nous avons fait la rencontre d’une médecin qui deviendra rapidement une alliée incroyable : Dre Aurore Côté. Une médecin au grand cœur et d’une compassion incroyable. Elle comprend bien que nous sommes à l’hôpital depuis longtemps, et elle fait tout en son pouvoir pour que nous retournions à la maison pour Noël. Elle nous remet un saturomètre et s’organise pour qu’on puisse avoir de l’oxygène.
Nous nous en étions rendu compte dès le début, mais nous voyons vraiment à ce moment-là tout le côté humain de cet hôpital : le bien-être de la famille est une priorité. Nous rentrons enfin à la maison la veille de Noël… À ce moment, on commence vraiment à penser que tout cela est derrière nous. Mais, l’histoire entre Gabriel et le Children ne s’arrête pas là!
Après un court séjour à l’hôpital de St-Jérôme en janvier, on transfère une autre fois Gabriel à Montréal; il a besoin d’une autre transfusion, sa 3e en un mois. Nous sommes alors dirigés vers le département d’hématologie-oncologie. Mais, après quelques semaines de traitements, de transfusions et d’hospitalisations, on voit bien que ça ne va pas.
Malheureusement, cette nouvelle que tant de parents ne veulent jamais entendre et que probablement autant de médecins ne veulent jamais annoncer tombe. La Dre Abish, autre médecin incroyable dans toute cette histoire, prononce deux mots qui resteront à jamais gravés en nous : Blackfan-Diamond!
La maladie de Blackfan-Diamond est une aplasie congénitale des globules rouges. L’enfant atteint de cette maladie souffre d’anémie chronique résultant d’une incapacité de la moelle osseuse à produire des globules rouges sanguins. Il devra donc recevoir du sang durant toute sa vie, sinon c’est le décès! C’est à ce moment que nous avons très bien compris que notre vie avait basculé à tout jamais et que cet hôpital devenait notre espoir…
Gabriel souffre pendant les transfusions. Ses petites veines encaissent très difficilement toutes ces intraveineuses. On nous propose alors de faire opérer Gabriel pour lui installer un cathéter veineux afin de faciliter les transfusions de sang. On nous dit que c’est monnaie courante, et qu’il n’y a pas de complication majeure avec cette intervention.
Mais Gabriel ne fait pas les choses comme les autres et une complication majeure survient : il fait une thrombose. On doit l’opérer d’urgence. Afin d’améliorer son état, on doit lui faire des injections aux 12 heures pour faire diminuer le caillot de sang qui s’est formé. Étant donné la longue distance entre la maison et Montréal, Dre Abish fait en sorte que l’on puisse faire les injections à la maison au lieu de se déplacer. Une autre belle décision humaine qui nous facilite grandement la vie.
Il est évidemment impossible de vous raconter en quelques lignes ces 12 dernières années, de vous faire sentir toute la souffrance que Gabriel a vécue, mais aussi toutes les répercussions que cela a eues sur la famille. Juliette, la grande sœur, a été elle aussi touchée par la maladie. Elle a été forte dans toute cette aventure… Elle a vu son frère se battre, partir en ambulance la nuit, mais surtout, elle a dû apprivoiser la réalité de la maladie du haut de ses 3 ans.
Il est aussi très difficile de vous décrire tout le travail que le personnel du Children a accompli. Je pense aux médecins, aux infirmières, aux préposés, aux secrétaires, aux éducatrices en milieu pédiatrique et même à un gardien de sécurité qui venait rendre visite à Gabriel lorsqu’il était hospitalisé. On se sentait bien et on se sent toujours bien au Children…
À ce jour, Gabriel a été suivi par de nombreux départements médicaux - hématologie, médecine respiratoire, endocrinologie, cardiologie - il a subi 5 opérations, a fait des centaines de visites à l’hôpital, sans compter les nombreuses hospitalisations de plusieurs jours. Il doit subir des tests sanguins toutes les semaines et reçoit des transfusions de sang régulièrement.
Il en est à sa 176e transfusion. Dans la vie, il est important de penser positivement et de redonner à ceux qui nous ont aidés. Le Children nous a plus qu’aidés, il a donné la vie à notre fils. Et nous leur en sommes reconnaissants.
Plusieurs ont un chalet dans les Laurentides et une maison à Montréal, mais nous, c’est l’inverse. Notre maison est dans les Laurentides et notre chalet est à Montréal. On est bien à cet endroit, on se sent privilégié de faire partie de cette grande famille. Oui, on y a vécu de durs moments. On a tout connu : la colère, la détresse, la peine, le désespoir, mais aussi la joie, les sourires et le bonheur.
Voilà pourquoi j’ai décidé de redonner à cet hôpital incroyable. Depuis 14 ans, j’organise un tournoi de golf à Sainte-Adèle pour le Children. Le petit tournoi de golf qui ne devait vivre qu’une seule année est devenu un événement important dans notre communauté et aura permis d’amasser tout près de 220 000 $ au total. Nous avons réussi par le fait même à financer la construction d’une chambre spécialisée en hémato-oncologie qui portera le nom de « Famille Gabriel Bellefleur ».
Malheureusement, aujourd’hui je ne peux pas dire à Pascale : « Ne t’en fais pas… Quand nous serons à la maison, tout sera rétabli, et tout cela sera derrière nous! » Mais je peux quand même vous dire que même si rien n’est rétabli, tout est devant nous avec cette merveilleuse famille du Children.
Merci de sauver la vie de notre fils…
La famille Bellefleur